L'Empire du vampire - Jay Kristoff
«- Alors, parlez, comme vous le feriez avec un enfant.
Présumez que les lecteurs des siècles à venir ne savent rien de ce monde. Car
ces mots, que je consignerai, dureront ce que durera cet empire éternel. Et
cette chronique sera votre seule immortalité.»
Le résumé :
Pendant près de trois décennies, les vampires ont fait la guerre à l'humanité, construisant peu à peu leur empire éternel. Aujourd'hui, seules quelques étincelles de lumière subsistent dans une mer de ténèbres. Parmi elles, Gabriel de León, un saint d'argent membre d'une confrérie oeuvrant à la défense du royaume et de l'Église. Mais même l'ordre d'Argent n'a pu endiguer la marée, et Gabriel est maintenant seul. Emprisonné par les monstres qu'il a juré de détruire, le dernier saint d'argent est obligé de raconter son histoire, car il détient la clé de la quête du dernier espoir de l'humanité : le Saint-Graal.
«Mes dents pointaient et, l’espace d’un instant, j’ai eu terriblement honte de ce que j’étais. Du péché de ma naissance. De ma faim. De ma nature. C’était bien joli d’appartenir à la flamme argentée qui brûlait dans l’obscurité et protégeait les hommes. Mais je n’avais pas le droit d’oublier que je portais une part de cette obscurité en moi.»
Ma chronique :
Après avoir adoré Nevernight, j’avais très hâte de me lancer dans la nouvelle saga de dark fantasy de Jay Kristoff : L’Empire du vampire. Dans ce premier tome, on découvre une humanité menant une lutte désespérée contre les vampires qui sont capables d’arpenter le monde depuis que le ciel et le soleil sont mystérieusement voilés. L’histoire racontée est celle de Gabriel de Léon, dernier saint d’argent, qui a été enrôlé et entraîné à combattre ces créatures et devient un héros de l’empire malgré lui.
Le roman se construit sur trois timelines différentes : le présent, où Gabriel retenu prisonnier raconte son histoire au vampire Jean-François ; le passé lointain avec un Gabriel de 16 ans qui rejoint l’ordre des saints d’argent ; le passé proche avec un Gabriel trentenaire qui se retrouve embarqué dans la quête du Graal au sein d’une compagnie. Le passage d’une timeline à l’autre est parfois un peu déstabilisant. D’autant plus que certains moments sont interrompus par les interventions de Jean-François dans le présent. J’ai trouvé que le roman avait quelques longueurs par moments mais globalement j’ai énormément aimé cette lecture et j’ai suivi les aventures de Gabriel avec beaucoup d’intérêt.
J’ai remarqué plusieurs tropes et thématiques similaires à Nevernight qui font qu’on se sent rapidement en terrain connu même si la découverte de ce premier tome manque du coup peut-être un peu de surprise. L’univers est sombre et dense, le world-building est encore une fois aux petits oignons. La religion a une place centrale au sein du roman et est calquée sur le christianisme (certains éléments manquaient pour le coup de créativité à mon goût) De nombreuses réflexions autour de Dieu, du péché, de la rédemption, sont abordées et décortiquées par l’auteur qui remet en question la religion via le regard de son protagoniste Gabriel. De prime abord, on est sur une bataille du bien contre le mal, de la lumière contre l’obscurité, mais au final tout n’est pas aussi simple et manichéen.
Si le Gabriel adolescent est dévoué, plein de fougue, de foi et d’espoir, le Gabriel adulte est au contraire d’une grande noirceur : pessimiste, désabusé et apostat. On a vraiment envie de savoir ce qu’il a vécu, ce dont il a été témoin pour changer autant et avoir abandonné sa foi. Gabriel est un homme hanté et complexe qui a tout perdu et a été brisé de nombreuses fois au cours de sa vie mais qui continue de se relever et de se battre pour ceux qu’il aime. Il est entouré de nombreux autres personnages variés et bien développés que l’on suit et rencontre au cours de son épopée. Ils ont tous des profils et personnalités intéressantes ainsi que de belles évolutions au fil du roman. Les vampires auraient peut-être mérité un peu plus de nuances.
J’ai retrouvé avec grand plaisir l’écriture élégante et recherchée de Jay Kristoff (même si elle tend parfois vers un petit côté guidé), ses talents de conteur et sa capacité à donner vie aux sensations, aux émotions et aux scènes qu’il écrit. Que ce soit les scènes de combat épiques, les descriptions de paysages désolés ou une simple conversation entre deux personnages : tout est toujours très précis et immersif et j’avais l’impression d’y être. J’ai apprécié l’évolution de la plume de l’auteur, qui m’a semblé plus mature et maîtrisée tout en ayant perdu les quelques tics de langage que j’avais noté dans Nevernight.
Avec ce premier tome de L’Empire du vampire, Jay Kristoff nous livre à nouveau une fantasy très efficace et rythmée à l’ambiance austère, parfois poisseuse, et aux personnages bien campés. J’ai très hâte de lire la suite qui réservera très certainement son lot de surprises, de révélations et de moments épiques !
Ma note :
«- Ma femme me disait souvent que les bleus au cœur finissent par guérir. Je ne suis pas sûr de toujours y croire. Ce monde est cruel. Les saints et les pécheurs y sont égaux devant la souffrance. Dès que tu donnes une part de toi-même à autrui, tu cours le risque de ne pas la récupérer en un seul morceau. Certaines blessures ne se referment jamais vraiment, et parfois, les gens ne nous laissent que des cicatrices en souvenir.»
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