Le Prince Cruel - Holly Black

«Je suis faible. Je suis fragile. Je suis mortelle.
C'est ce que je déteste le plus.
Même si, par miracle, j'arrivais à les surpasser, je ne serai jamais l'un d'eux.»
 

Le résumé :

Jude a 17 ans et vit à la Haute Cour de Domelfe dans le royaume de Terrafæ. Enlevée au monde des mortels lorsqu’elle n’était qu’une enfant et élevée avec ses sœurs parmi les puissants, elle a appris à se protéger des sortilèges et à se battre à l’épée. Pourtant, elle subit jour après jour les moqueries et les insultes. Car elle n’est qu’une humaine, vouée à la mort, dans un monde où règnent les Fæs, créatures sublimes, immortelles… et cruelles. 
Personne ne la hait plus que le Prince Cardan. Le plus jeune des héritiers de la couronne semble décidé à lui nuire. Jusqu’à la tuer ? Mais Jude, elle, est prête à tout pour gagner sa place à la cour et reprendre le pouvoir sur sa vie.  

 

«Ne révèle à personne ton talent à manier les armes blanches. Ne révèle à personne ta résistance aux ensorcellements. Ne révèle à personne tout ce que tu sais faire.»

 

 Ma chronique :

Il est difficile de passer à côté du roman Le Prince Cruel sur les réseaux sociaux dédiés aux livres tant son succès est retentissant auprès des lecteur·ices de fantasy ado/young adult. En général ce genre de succès me rend méfiante (d’autant plus que la plupart de mes collègues ont détesté ce roman) mais, poussée par la curiosité, je l’ai finalement lu. Alors, oui ça se lit bien (il faut dire que l’écriture est très simpliste et manque parfois d'identité) et je ne me suis pas ennuyée mais ce roman souffre de beaucoup de défauts.  
 
Le premier chapitre nous plonge dans le vif du sujet et présente une rencontre brutale entre le monde réel et le monde des faes : notre héroïne Jude et ses deux sœurs assistent au meurtre de leurs parents et sont emmenées à Terrafae par le meurtrier, Madoc, où elles vont apprendre à évoluer dans un monde magique et dangereux. On pense naturellement que l’histoire va suivre la vengeance de Jude. Mais non, car même si Jude a peur de Madoc elle éprouve du respect et un amour presque paternel pour lui. Elle s’est accoutumée à Terrafae qu’elle ne souhaite pas quitter. Autant vous dire que j’étais plutôt déçue. J’ai eu du mal à saisir l’état d’esprit de Jude qui m’a paru vraiment incompréhensible par moments (tout comme certaines de ces décisions). Jude semble être une enfant gâtée, une adolescente facilement bercée par la beauté et les plaisirs du monde fae, qui oublie la raison de sa présence dans ce monde qui ne veut pas d’elle.  
 
L’univers est riche et on voit qu’il y a du potentiel mais il aurait mérité bien plus d'approfondissement. L’autrice passe trop vite sur un bon nombre d’éléments issus du folklore et nous balance des noms sans aucune explication ou description physique. Elle mentionne par exemple des « selkie », « shagfoal », « barghest », etc. dont je n’avais jamais entendu parler et je ne sais toujours pas à quoi ces créatures fantastiques ressemblent. Ce manque de descriptions casse l’immersion mentale et visuelle qu’on peut se faire des scènes.

L’intrigue est plutôt banale, il ne se passe d’ailleurs pas grand-chose au début car on se contente de découvrir les diverses figures de pouvoir de Terrafae et de suivre Jude dans son quotidien. Quotidien qui va vite être chamboulé. Le roman prend alors une tournure bien plus sombre qui m’a plu. J’ai beaucoup aimé les passages où Jude est formée par Le Fantôme et Le Cafard aux arts sombres de l’espionnage et de l’assassinat dans le but de remplir des missions à portée stratégiques et politiques au sein de la famille royale. J’admets également avoir été surprise par le dernier tiers du livre, notamment le banquet de couronnement, qui est une vraie déferlante de violence et d’hémoglobine auquel je ne m’attendais pas du tout.

Le personnage de Cardan aurait pu être intéressant mais malheureusement on tombe dans le cliché du garçon en manque d’amour et martyrisé par son frère qui maltraite d’autres personnes pour se passer les nerfs. Mais le plus gros problème c’est bien d’humilier et attenter à la vie de son crush. Oui, oui, vous avez bien lu : Cardan se rend compte qu’il n’est pas indifférent aux charmes de Jude la mortelle et préfère s’en prendre à elle plutôt que d’accepter cela. C’est quand même un souci de romantiser ce genre de personnage toxique dans un roman à destination d’adolescent·e·s. J’ai d’ailleurs été assez surprise par l'âge des personnages car les nombreux fanarts m’ont induite en erreur : je m’attendais à des jeunes adultes matures et classes au lieu d’adolescents qui se chamaillent et se livrent une guéguerre infantile.

La relation entre Jude et le fae Locke est étrange et absolument pas naturelle. Il n’y a aucune construction de leur relation, en un paragraphe hop ils se font soudainement les yeux doux et sortent ensemble. J’étais effarée de voir que Jude ne se pose absolument aucune question sur les intentions du fae. Faut-il rappeler que Locke fait partie du cercle restreint d’amis de Cardan qui passe son temps à humilier Jude et qu’il n’a jamais vraiment levé le petit doigt pour l’aider ?! Encore une fois, elle se laisse porter et ne réfléchis pas, c'est agaçant.

J’ai tout de même apprécié la quête d'identité de Jude qui ne veut pas devenir une meurtrière comme Madoc mais qui sait pertinemment que la tromperie et la violence seront les seules façons pour elle de survivre et de trouver une place dans ce monde. Elle est déchirée entre différentes manières d’agir et plusieurs questions morales. À part ses motivations étranges et le fait qu’elle agit parfois sur un coup de tête, j’ai bien aimé ce personnage. J’ai également apprécié les personnages de Dain et ses trois espions, Oriana et Vivi, même si cette dernière est malheureusement trop peu présente à mon goût alors que c’est une des plus attachante.

Le Prince Cruel est donc un roman de fantasy young adult classique qui a du mal à se défaire des habituels manques de détails et autres facilités scénaristiques qui collent à la peau de ce genre. J’avoue avoir un peu de mal à comprendre un tel succès et de tels avis dithyrambiques pour un roman qui met en scène les prémices d’une relation toxique et qui sera vite oublié pour ma part. Je n’ai cependant pas détesté le roman qui est un bon page-turner et qui a su me surprendre avec son côté sombre. Je lirai la suite par curiosité.
 

   «Ce qui est bizarre avec l'ambition, c'est qu'on peut l'attraper comme une fièvre, mais qu'il n'est pas facile de s'en débarrasser.»

 

Titre : Le Peuple de l'Air, tome 1 : Le Prince cruel (titre VO : The Cruel Prince)
Autrice : Holly Black
Editeur : Rageot
Publication : septembre 2020
Prix : 18,90€
Nombre de pages : 531

Commentaires

  1. Je suis passé un peu à côté, j'ai apprécié l'univers mais comme toi, je ne l'ai pas trouvé assez développé et les deux personnages principaux ne me faisaient ni chaud ni froid. Heureusement, j'ai trouvé le tome 2 bien meilleur, l'univers et la politique du monde fae sont bien plus mis en avant.

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    1. Ton commentaire me rassure et je vais peut-être aller un peu moins à reculons vers le tome 2 aha !

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