«C'était ainsi que fonctionnaient les enluminures : des instructions écrites sur des objets sans âme afin de les convaincre de désobéir de manière sélective à la réalité. Les enluminures devaient être soigneusement élaborées, cependant, et méticuleusement appliquées.»
Le résumé :
Toute l’économie de l’opulente cité de
Tevanne repose sur une puissante magie : l’enluminure. À l’aide de
sceaux complexes, les maîtres enlumineurs donnent aux objets des
pouvoirs insoupçonnés et contournent les lois de la physique. Sancia
Grado est une jeune voleuse qui a le don de revivre le passé des objets
et d’écouter chuchoter leurs enluminures. Engagée par une des grandes
familles de la cité pour dérober une étrange clé dans un entrepôt sous
très haute surveillance, elle ignore que cet artefact a le pouvoir de
changer l’enluminure à jamais : quiconque entrera en sa possession
pourra mettre Tevanne à genoux. Poursuivie par un adversaire implacable,
Sancia n’aura d’autre choix que de se trouver des alliés.
«Toute
innovation qui accorde davantage de pouvoir aux individus finit
inévitablement par en accorder beaucoup, beaucoup plus aux puissants.»
Ma chronique :
Le premier point qui m'a marqué dans ce tome 1 des Maîtres Enlumineurs c'est bien sûr le système de magie que j'ai absolument adoré et que je trouve incroyable, maîtrisé, tellement bien pensé et intelligemment exploité. L'auteur explique l'enluminure avec de nombreux détails, on sent qu'il a travaillé son sujet à fond pour livrer au lecteur une magie à la fois intelligente, logique et innovante, très proche de la technologie mais qui explore aussi la science et la physique. Il faut s'accrocher lors de certaines explications parce que c'est parfois assez technique mais l'ensemble reste très compréhensible. L'univers n'est pas en reste car il est lui aussi bien construit et intéressant. J'ai été embarquée dans la cité de Tevanne qui mélange fantasy urbaine, steampunk et ambiance de Renaissance italienne. J'étais totalement immergée dans les campos, les maisons marchandes et les Communes aux côtés de Sancia. Je pense qu'une carte de Tevanne ne serait pas de trop car j'avais parfois du mal à me représenter l'agencement des différents quartiers. La mythologie et l'Histoire qui nous sont présentées m'ont beaucoup plu et j'espère que ces éléments seront plus développés dans le tome 2 car j'ai très envie d'en apprendre plus sur cet univers et notamment sur le monde en dehors des murs de la cité de Tevanne.
J'ai beaucoup aimé le personnage de Sancia qui, même s'il est paraît assez classique au début en tant que voleuse hyper douée et orpheline, est une héroïne mystérieuse et très attachante. Mystérieuse car on sait très peu de choses sur son passé et sur elle pendant une bonne partie du roman, les informations arrivant bien plus tard dans le récit. Étant donné que le lecteur suit Sancia et est témoin de ce qu'elle pense, on la sait renfermée sur elle-même, solitaire et de nature méfiante : on se doute donc qu'elle a vécu des horreurs et beaucoup de souffrance. Le don de Sancia est très intriguant et original (la "lecture" d'objets m'a rappelé dans une certains mesure Ophélie dans La Passe-Miroir et c'est un genre de pouvoir que j'adore), tout à fait dans la lignée du système de magie créé. La relation entre Clef et Sancia est à la fois dynamique, drôle et touchante. J'ai adoré leurs dialogues qui ne manquent pas de mordant mais aussi de bienveillance avec un Clef parfois naïf et émerveillé qui découvre le monde qui l'entoure après un long sommeil et devient le confident de Sancia. Clef est un personnage atypique qui s'inscrit dans le trope du personnage-objet qu'on voit de plus en plus fleurir dans les romans de l'imaginaire. Les autres personnages sont tous intéressants, variés et attachants. J'avais un peu peur qu'ils soient peu développés car dans la première moitié du roman ils sont assez survolés, il y a notamment peu de descriptions physiques. Mais on apprend finalement à bien plus les connaître dans la suite lorsque Sancia les côtoient de plus près et s'allient à eux pour former une équipe explosive.
L'écriture de Robert Jackson Bennett est fluide et super agréable à lire. Le rythme du récit est effréné et traduit à merveille le fait que Sancia, et donc le lecteur, se retrouve entraînée malgré elle dans une suite d'événements tous plus délirants et dangereux les uns que les autres. Les actions se succèdent à toute vitesse sans qu'on ait le temps de reprendre son souffle et j'ai bien ressenti la temporalité : l'action de la première moitié du roman s'étend sur à peine quelques jours. J'ai vraiment lu ce roman à toute vitesse sans ressentir aucune longueur ni aucun ennui et tout en le savourant (et c'est pas rien pour un beau pavé de plus de 600 pages tout de même !) L'intrigue de base est assez banale mais hautement captivante. Le scénario est bien ficelé et mené d'une main de maître par l'auteur qui sait faire preuve d'inventivité et les enjeux s'épaississent au fur et à mesure des chapitres. Le point négatif pour moi c'est que certaines grosses révélations et plots twists sont prévisibles et malheureusement peu surprenants. D'habitude je suis plutôt bon public à ce niveau-là et je me fais souvent avoir mais ici j'aurais aimé être plus surprise.
J'ai vraiment adoré cette lecture qui m'a émerveillé et tenue en haleine du début à la fin, un vrai plaisir de lecture. Je peux même dire que ce premier tome des Maîtres enlumineurs est un coup de cœur ! J'ai en tout cas très hâte de voir ce que la suite nous réserve car j'ai l'impression que l'histoire va prendre une toute autre tournure et il me tarde de retrouver cet univers original et ces personnages attachants !
«L'imprudence est la mère de bien des enterrements.»
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Titre : Les maîtres enlumineurs, tome 1 (titre VO : Foundryside)
Auteur : Robert Jackson Bennett
Éditeur : Albin Michel Imaginaire
Publication : mars 2021
Prix : 24,90€
Nombre de pages : 604
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