Nos jours brûlés - Laura Nsafou #plib2022

« Pourquoi étais-je si volontaire à l’idée d’explorer le monde extérieur, mais si apeurée quand il s’agissait de voir ce qu’il y avait en moi ? »


 Le résumé : 

2049. Depuis vingt ans, le soleil a disparu et le monde est plongé dans la pénombre. La faune et la flore se sont peu à peu adaptées, et les espèces nocturnes, multipliées. Pour les humains, s’éclairer, se nourrir, survivre sont devenus des défis quotidiens. Elikia, née peu après l’avènement de la Grande Nuit, et sa mère Diba, se sont fixé pour mission de ramener le jour sur le monde. Persuadées que la disparition du soleil est liée à celle de Juddu, une ancienne et mystérieuse cité ayant abrité des esprits et des individus dotés de pouvoirs, toutes deux sillonnent le continent africain dont elles sont originaires à la recherche de témoignages. Les récits glanés auprès des Anciens les conduisent jusqu’à l’Adamaoua, une montagne où nulle âme sensée n’oserait s’aventurer…
Après la perte brutale de sa mère, Elikia va rencontrer l’Éclaireur, un des seuls survivants du massacre de Juddu. À son côté, elle découvrira qu’elle peut faire usage de la magie… et aussi que les deux marques incrustées sur sa joue gauche la relient malgré elle à Guddi, la divinité responsable de la disparition du soleil. La jeune fille parviendra-t-elle à s’affranchir de l’emprise que la nuit exerce sur elle afin de respecter la dernière volonté de sa mère : poursuivre leur quête ? 

 

 « À l’époque, je ne savais pas si je parviendrais à surmonter mon deuil, ni même à de nouveau sentir la présence des autres. Je ne parle pas de la présence physique, mais plutôt de celle qui marque le cœur, quand une personne que vous aimez entrer dans la pièce, et qu’elle retrouve instantanément sa place au sein de votre univers. Voilà ce que j’avais perdu.»

 

Ma chronique : 

 Nos jours brûlés de Laura Nsafou est le premier roman d’afrofuturisme que je lis. J’ai beaucoup aimé le début qui nous introduit dans un monde post-apocalyptique où les personnages survivent difficilement avec les moyens du bord. On suit Elikia, ou Eli, et sa mère dans leur quête désespérée de ramener le soleil dans notre monde. L’histoire change de ton assez rapidement et bascule dans le fantastique et le récit d’apprentissage où la magie est présente.

Le gros point fort de ce roman, c’est clairement son world-building foisonnant et dense issu du folklore africain. Ça m’a fait plaisir de découvrir toute cette mythologie et ce bestiaire que je ne connaissais pas du tout ! L’univers peut paraître complexe car il y a beaucoup de noms de dieux et de créatures à retenir (heureusement, un mémo est présent à la fin du roman pour ne pas trop s’y perdre) mais tout est bien détaillé pour créer une ambiance immersive et originale. On ressent un vrai travail de recherche de la part de l’autrice qui nous présente une cosmogonie très complète et bien construite.

On ne s’ennuie pas car c’est rythmé, les actions s’enchainent et il y a peu de temps mort. Le duo élève/mentor que forment Eli et Yander est très efficace. L’évolution de leur relation est bien construite et m’a paru très juste et sincère. En revanche, peut-être à cause de la multitude d’actions et d’informations qu’on assimile en peu de temps, je ne me suis pas spécialement attachée aux personnages. J’ai parfois eu du mal à cerner Eli qui alterne entre comportement mature et puéril. Mais on ne peut que ressentir de l’empathie pour elle qui doit faire face à l’incompréhension et au deuil au sein de sa réalité entièrement chamboulée du jour au lendemain. J’ai aussi aimé le fait qu’elle ne se laisse pas faire, elle laisse parfois éclater sa rage lorsqu’elle n’en peut plus et qu’on refuse de lui en dire plus. C’est une jeune femme qui se cherche et a besoin de réponse, elle se questionne sur son pouvoir et a des instants d’introspection intéressants et réfléchis.

Ce qui m’a dérangé c'est que le scénario de la Grande Nuit est peu plausible scientifiquement. Si le soleil s'éteignait, il ne pourrait pas faire chaud dans certains pays, les végétaux ne muteraient pas en seulement vingt ans tout comme autant d’humains ne pourraient pas survivre vingt ans sans la lumière et la chaleur du soleil. Alors, oui, les dieux et la magie sont ensuite introduits mais l’autrice base son histoire dans notre monde. Dans un monde inventé, pourquoi pas, mais là les instances gouvernementales, scientifiques et les populations (et notre héroïne) ne peuvent vraisemblablement pas ne pas se poser de question... Surtout que l’accent est constamment mis sur la frontière opaque entre le monde humain, qui ne sait rien et ne voit rien, et le monde de l’Invisible.

Nos jours brûlés a été une lecture sympathique qui m’a transportée dans son magnifique univers africain teinté de fantastique et de mythologie. J’ai aimé suivre Eli dans ses péripéties, dans sa découverte d’elle-même et de ses capacités même si l’intrigue ne laisse pas beaucoup au lecteur et aux personnages le temps de souffler. Un souci de vraisemblance m’a dérangée pendant la lecture mais je suis sûrement trop pointilleuse car ça reste un roman young adult de qualité qui a trouvé son lectorat !


« - La nature ne se laisse plus faire […]
- Tu dis ça comme si on avait mérité ce qui nous arrive.
- Je ne sais pas qui est ce « on » dont tu parles mais, si les humains n’ont pas mérité la folie de Guddi, ils ont mérité que la nature se retourne contre eux. On ne peut pas passer des siècles à l’exploiter, la malmener, la déboiser, ignorer ses rituels, puis pleurer un jour qu’elle nous tue en retour.»

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Ce roman fait partie des 25 sélectionnés pour le PLIB 2022.

Titre : Nos jours brûlés
Autrice : Laura Nsafou
Editeur : Albin Michel
Publication : septembre 2021
Prix : 16,90€
Nombre de pages : 320
#ISBN9782226460349

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