Morgane Pendragon - Jean-Laurent Del Socorro
«Les légendes sont écrites à l'image des hommes, aussi comment pourrais-je en être l'héroïne ?»
Le résumé :
An 601. Île de Bretagne.
Depuis la mort d’Uther Pendragon, souverain du royaume de Logres, aucun n’héritier n’est monté sur le trône. Pour cela, il faudrait réussir à extraire l’épée du défunt monarque, enchâssée dans la pierre.
À l’aube de ce nouveau siècle, les prophètes en sont pourtant
persuadés : un nouveau roi va naître. Le puissant Merlin a la certitude
qu’il s’agit de son protégé, le jeune Arthur, mais c’est Morgane, la fille cachée d’Uther, qui s’empare de l’épée.
Réussira-t-elle à faire face aux guerres, aux intrigues et aux trahisons, et à s’imposer comme une souveraine légitime ?
La légende morganienne ne fait que commencer.
«La Table ronde ne relie pas que nos épées,
Mais nos cœurs, et nos âmes, et nos amitiés.»
Ma chronique :
La légende du roi Arthur a eu le droit à de nombreuses
versions et adaptations et même s’il y existe des personnages féminins
emblématiques, elles servent souvent de faire-valoir aux personnages masculins. Jean-Laurent Del Socorro prend le contrepied de cela dans son dernier roman
intitulé Morgane Pendragon. L’auteur fait ici le choix rafraîchissant de
réécrire ce récit avec les mêmes personnages mais en donnant à Morgane le rôle
de reine du royaume de Logres et de fille d’Uther Pendragon.
J’ai beaucoup aimé le personnage de Morgane qui est une reine résolument
moderne et féministe. Elle prend le temps de s’interroger sur de nombreux
sujets pour rester rationnelle et juste, devenir une bonne reine pour son
peuple. Et c’est d’ailleurs cela que j’ai adoré chez elle : Morgane
n’oublie jamais son peuple. Au cœur des intrigues politiques et des combats
elle pense à eux dans la moindre de ses actions et paroles car le royaume leur
appartient tout autant qu’à elle. L’ascension de Morgane ne plaît pas à tout le
monde (il y a notamment une rupture entre l’ancienne génération et la nouvelle
qui ont des idéaux et valeurs divergentes) mais elle parvient malgré tout à
s’imposer et à se faire une place. Morgane est
également déchirée entre les questions d’amour et de devoir car en tant que
reine elle ne peut épouser celui qu’elle voudrait, elle doit se plier aux
alliances politiques et stratégiques.
Arthur tient tout de même un rôle primordial dans ce roman car il est
l’amant de Morgane, prétendant au titre de roi de Logres pendant un temps et
chevalier de la Table ronde. C’est un personnage émotif mais plutôt
difficile à cerner tout comme il est difficile de le percer à jour dans ses
actes et paroles. Il y a donc une alternance des chapitres
ayant pour point de vue celui de Morgane et celui d’Arthur à tour de rôle. Je dois
cependant avouer que la narration ne change pas beaucoup d’un chapitre à
l’autre et j’avais parfois du mal à distinguer qui était le narrateur si j’avais
juste survolé le nom du personnage en tête de chapitre.
Alors que les scènes de batailles sont plutôt détaillées, j’ai trouvé
que certains enchaînements d’événements étaient très factuels, manquaient de
développement et étaient racontés avec une certaine distance, voire une
certaine froideur. En revanche, l’auteur décrit et met en scène superbement les
émotions de ses personnages. Les relations qui se tissent, qu’elles relèvent de
l’amitié, de l’amour, de la jalousie, de la méfiance ou de l’admiration, et les liens
familiaux et parentaux étaient écrits avec beaucoup de justesse, de réalisme et
de sensibilité. Grâce à ces éléments, je me suis attachée à de nombreux
personnages que l’on découvre dans leur entièreté et qui ouvrent leur cœur au
fur et à mesure du récit.
Le roman aborde de multiples thématiques très intéressantes autour du féminisme,
des genres, de l’égalité avec notamment un questionnement sur le rôle de la
mère mais aussi sur celui de l’épouse et de l’amante. Dans Morgane Pendragon,
Morgane bouscule les traditions et la discrimination : les femmes et les
hommes sont sur un même pied d’égalité à la Table ronde. Les relations et
mariages homosexuels sont également permis. Ce roman engagé remet en cause l’Histoire
et les légendes qui effacent les femmes au profit des hommes.
On retrouve la présence de la magie avec
le personnage de Merlin et grâce aux faeries et autres créatures fantastiques
qui peuplent les royaumes. La magie imprègne les terres de Grande-Bretagne même
si elle est de moins présente. Dans Morgane Pendragon, Jean-Laurent Del Socorro
aborde à nouveau un sujet très souvent présent dans ses romans : la
religion. Car ici la montée du christianisme menace le paganisme, le folklore
et le culte de la Déesse. Certains personnages acceptent le christianisme dans
une moindre mesure quand d’autres le rejettent complétement. Le roman va de
plus en plus s’articuler autour de cette question de religion qui créée des
scissions, brise des amitiés et mène à des combats.
Morgane Pendragon est un roman efficace qui revisite et dépoussière la légende arthurienne. Il met à l'honneur une belle galerie de personnages féminins comme masculins qui ont tous leur rôle à jouer sur fond de guerre de religion, de complots politiques et de batailles épiques. L'écriture de Jean-Laurent Del Socorro est fluide avec des phrases très courtes percutantes mais elle peut paraître froide par moments.
Ma note :
«Kay est comme beaucoup d'autres : il pense que les sentiments sont l'apanage des femmes et que les hommes doivent étouffer les leurs. Comme si le cœur avait un genre, et que l'empêcher de battre le rendait plus fort.»
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Titre : Morgane Pendragon
Auteur : Jean-Laurent del Socorro
Editeur : Albin Michel Imaginaire
Publication : janvier 2023
Prix : 22,90€
Nombre de pages : 352
ISBN 9782226479693
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