Paternoster - Julia Richard

« C'est comme si je le décevais, comme si je n'étais pas à la hauteur de ses attentes, comme si j'essayais d'apprendre une chorégraphie et que je finissais toujours par me planter dans les pas. Et je comprends que ça use sa patience de nous voir désaccordés à cause d'une cavalière incapable de suivre le tempo. Car c'est bien l'homme qui mène la danse, non ? Alors je travaille, je trime, je m'épuise et au final j'en oublie d'être moi-même.»

 

Le résumé :

Pour Dana, jeune femme issue d’un milieu modeste, Basil Paternoster a tout du compagnon idéal : séduisant, éloquent et de bonne famille. Mais lorsque vient la rencontre avec les beaux-parents, dans leur vaste propriété de campagne lors d’un été caniculaire, les choses s’engagent mal.
Ballottée entre les apéritifs qui n’en finissent pas, les traditions qui lui sont étrangères, et les échos de sombres secrets de famille, Dana doute. A-t-elle vraiment envie de faire partie de ce clan ?
Alors que ses idéaux se brisent et que la réalité la rattrape, c’est tout son équilibre qui chavire. Et si le bonheur n’était qu’un piège bien cruel ? 

 

 « Je sais que je ne devrais pas prendre ça personnellement. Ce n’est pas tant du racisme qu’une violence de classe. Ils doivent s’imaginer que ma culture, si elle résiste, c’est qu’elle n’existe que pour leur apporter un peu d’exotisme. Le manque d’étiquette, en revanche, ça c’est la peste qu’ils combattent. Je crois que ça m’écœure encore plus. Les convenances, ce ne sont que des normes sociales qu’ils ont érigées pour nous mettre à l’écart. Ce n’est même pas le sort de la génétique qui nous sépare, mais leur volonté éclairée et active.»

 

Ma chronique :

Paternoster est un roman que je voulais absolument lire après en avoir beaucoup entendu parler au festival Ouest Hurlant (par l’autrice elle-même notamment) et j’avais tout fait pour en savoir le moins possible sur son contenu. Julia Richard propose un texte très original qui m’a beaucoup surprise. Véritable page-turner, j’ai dévoré ce roman hautement perturbant.

On suit Dana, une jeune femme un peu stressée car elle va rencontrer la famille de son copain, Basil Paternoster, qui a tout de l’homme idéal. Dana et Basil filent le parfait amour depuis plusieurs mois mais n’appartiennent pas au même milieu social donc la jeune femme espère bien s’intégrer à sa belle-famille. L’intrigue se déroule donc tout au long de ces deux semaines de vacances dans la résidence familiale et est entrecoupée de flash-backs où le lecteur assiste à la rencontre de Basil et Dana et aux prémices de leur relation amoureuse.

La famille de Basil, les Paternoster, est entourée de beaucoup de mystères. Au fur et à mesure qu’on les découvre, et qu’on découvre les secrets de cette famille très particulière, on ne peut qu’être curieux mais aussi troublé. La tension monte crescendo car certaines scènes provoquent le malaise et certains dialogues sont tellement lunaires qu’on en vient à se poser des questions sur l’ancrage à la réalité des personnages et sur leur potentielle folie. L’ambiance est pesante et très bien travaillée, l’immersion est parfaite car on a l’impression d’être coincé avec Dana aux côtés de cette famille pour le moins énigmatique, coupé du monde entre les murs de cette grande villa.

J’ai été d’autant plus perturbée que le personnage principal de Dana a fait résonner en moi des choses : je me suis parfois identifiée à elle et retrouvée dans ce qu’elle vit, dans certaines de ses réflexions, de ses questionnements et états d’âme. Mais si la jeune femme est touchante et génère par moments de l’empathie, elle est parfois agaçante et aveuglée par son amour et on a envie de la secouer. Mais comme elle, je n’ai fait que douter : exagère-t-elle ce qu’elle vit, se braque –t-elle trop facilement, ou les Paternoster cherchent-ils à la mener à bout, à la pousser dans ses retranchements sans cesse ?

Le roman a une forte dimension sociale et politique. Il aborde la charge mentale, la place de la femme au sein de la société mais aussi de la famille et du couple. Il y est notamment question des différences de classes sociales et d’origines et l'autrice souligne les difficultés à en faire tomber les barrières, même au sein d’un couple. Elle dénonce également les différentes pressions qui amènent des personnes à ne plus être elles-mêmes, à se taire et à se plier aux règles racistes et patriarcales imposées par la société et la tradition familiale. Le message final est un véritable coup de poing, bien qu’un peu trop explicité dans un long paragraphe qui prend la main au lecteur et ne le laisse pas se faire sa propre interprétation, sa propre réflexion.

Pasternoster est une lecture déstabilisante qui délivre un message fort. C’est un roman inclassable qui marque l’esprit avec son inquiétante étrangeté et qui ne fait que brouiller les frontières des genres littéraires. C’est une lecture qui fait parfois froid dans le dos, suscite le malaise et génère de l'émotion car elle propose un miroir de la réalité. J’ai été tout à tour en colère, choquée, attristée, révoltée, effrayée, agacée, émue. J’ai été embarquée dans cette histoire hautement addictive qui se dévore et où l’on ne sait jamais où l’autrice va nous emmener à la page suivante.

Ma note :


Titre : Paternoster
Autrice : Julia Richard
Edieuer : L'Homme sans nom
Publication : mai 2023
Prix : 21,90€
Nombre de pages : 256
ISBN : 97824937140105

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