Nevernight, tome 3 : L'aube obscure - Jay Kristoff

«Que deviendrait véritablement cette ville, cette République, si l'enténébrée lui coupait la tête ? Se contenterait-elle de s'agiter dans tous les sens un certain temps, le temps qu'il lui en pousse une nouvelle ? Ou, tel un dieu terrassé par la main de son père, se briserait-elle en mille morceaux ?»

 Mes chroniques du tome 1 et du tome 2 de Nevernight

«Aux yeux d'un enfant, Père est un autre nom de Dieu.
Et Mère est la terre même qui s'étend sous ses pieds.»

Le résumé:

Les Grands Jeux de la ville de Sépulcra ont pris fin dans un bain de sang. Mia Corvere, gladiatii, esclave et assassin tristement célèbre, est en fuite. Pourchassée par les Lames de l'Église rouge et les soldats de la légion Luminatii, elle ne s'échappera peut-être jamais vivante de la Cité des Ponts et des Os. Son mentor Mercurio est maintenant dans les griffes de ses ennemis, sa propre famille souhaite sa mort et son ennemi juré, le consul Julius Scaeva, n'est qu'à un souffle de la domination totale sur la République Itreyenne.
Mais sous la ville, un sombre secret l'attend. Avec son amante Ashlinn, son frère Jonnen et un mystérieux bienfaiteur revenu d'au-delà du voile de la mort, elle doit entreprendre un périlleux voyage à travers la République, à la recherche de l'ultime réponse finale à l'énigme de sa vie.
La vrainuit approche et tombera peut-être sur la République pour la dernière fois. Mia pourra-t-elle survivre dans un monde où même la lumière du jour doit mourir ?


«Mais vivre dans les cœurs qu'on laisse derrière soi, c'est ne jamais mourir. Et brûler dans la mémoire de ses amis, c'est ne jamais dire adieu. »


Ma chronique :

Après un premier tome que j’avais beaucoup aimé et un second tome pour lequel j’avais eu un coup de cœur, il était grand temps que je lise cet ultime tome de la saga des Chroniques de Nervernight. L’Aube obscure est la suite directe du volume précédent. On retrouve cet univers sombre et brutal et il démarre sur les chapeaux de roue car notre protagoniste, Mia Corvere, est en danger et s’échappe de la ville de Sépulcra dans une cavalcade intense après avoir remporté les Grands Jeux.

L’univers créé par Jay Kristoff est extrêmement riche, dense et fouillé avec de belles idées. L’auteur l’explore de long en large et j’adore lire toutes ces anecdotes et détails (souvent sous forme de longues notes de bas de page) qui viennent étoffer encore plus les aspects historiques, sociaux et culturels de cet univers. Dans ce troisième tome, on a notamment de nombreuses réponses à nos questions et c’était passionnant d’en apprendre plus sur la cosmogonie et la mythologie de ce monde (les divinités, les origines de la non-nuit, la création d’Itreya) ainsi que sur le pouvoir des enténébrés.

Dans L’Aube obscure, Mia gagne en puissance et développe ses pouvoirs à mesure que la vraienuit arrive. Elle devient alors quasiment invincible et gagne un peu trop facilement face à tous ses ennemis (et elle en a beaucoup !) Il n’y a plus vraiment de suspense sur l’issue des combats ni d’enjeux si ce n’est de protéger ceux qu’elle aime (et elle échoue à plusieurs reprises ce qui a le mérite d’ajouter du peps à l’intrigue) On nous rabâche depuis le premier tome que la présence de ses « passagers » faits d’ombres, Gentilhomme et Eclipse, sont censés la rendre froide et sans peur mais sans eux on ne voit finalement pas vraiment de différence. Les phases d’introspection de Mia, portée par son désir de vengeance, sont nombreuses. Très impulsive, elle devient de plus en plus entêtée, parfois agaçante dans sa volonté de tenir les autres à l’écart. Mais Mia reste une anti-héroïne que j’apprécie beaucoup dans ses forces et faiblesses avec son côté tortueux et son sarcasme.

La relation entre Mia et son frère Jonnen est touchante mais j’ai eu du mal à croire en son authenticité. Ce dernier m’a paru fade et fait un peu vite confiance à une inconnue qui vient complétement chambouler son monde. Surtout pour un gamin à propos duquel on nous rabâche sans cesse la perspicacité et l’intelligence… Ashlinn est un personnage que j’aime beaucoup mais je n’arrive pas à croire à son couple avec Mia, leur dynamique manque de vraisemblance et paraît forcée. Le triangle amoureux m’a d’ailleurs bien fait souffler du nez (après les querelles entre Eclipse et Gentilhomme dans le tome précédent, c’est au tour de Tric et Ash d’être agaçants) Un des liens que je préfère c’est celui qui unit Mercurio et Mia : plein de tendresse, de fierté et d’amour. Mais de façon générale, je trouve les personnages nuancés et bien construits, j’apprécie beaucoup tout le petit monde qui gravite autour de Mia ainsi que les antagonistes.

Si j’ai adoré me replonger dans cet univers et retrouver les personnages, je trouve tout de même que ce dernier volume souffre de grosses longueurs. Les scènes d’action et de combat sont vraiment bien écrites, rythmées et visuelles et j’ai beaucoup aimé certains passages avec des scènes mémorables qui m’ont vraiment tenue en haleine. Mais en dehors de celles-ci, l’histoire avance lentement. Les très nombreux passages introspectifs de Mia viennent casser le rythme et sont redondants. Ce roman avoisine les 900 pages et il aurait facilement pu être amputé de quelques centaines de pages de bla-bla soporifique sans que ça n’impacte l’histoire En plus, l’auteur s’est vraiment lâché sur les scènes de sexe qui sont encore plus nombreuses et détaillées que dans les tomes précédents et n’apportent rien.

J’aime toujours autant la plume de Jay Kristoff, crue, pleine de métaphores et de belles tournures avec parfois des envolées lyriques. Mais c’est tout de même parfois trop verbeux. L’auteur a, à mon sens, beaucoup de talent, il fait preuve d’une grande créativité mais il en fait des caisses pour pas grand-chose. J’avoue que ça ne m’avait pas autant marquée dans les précédents tomes mais là, au bout de plus de 800 pages de lecture, c’est un peu lassant. Surtout si on rajoute à ça des personnages aux dialogues interchangeables qui jurent tous comme des charretiers.  En revanche, j’apprécie vraiment l’humour cinglant qui investit les dialogues comme la narration, le narrateur qui brise le quatrième mur ainsi que l’autodérision de l’auteur (avec ses personnages qui se moquent des notes de bas de page)

Les descriptions détaillées ne me dérangent pas car j’aime beaucoup avoir tous les éléments pour visualiser des personnages, décors et scènes mais il y avait beaucoup de redondance. L’auteur a du mal à s’empêcher de faire des répétitions inutiles sur les détails physiques (oui, on a compris que Tric est incroyablement beau, que Mia a des cheveux noirs corbeau ou que Ashlinn a les cheveux tressés et les yeux bleus) De la même façon, il ne parvient pas à se renouveler au niveau de certains formulations et tournures de phrases (j’aurais dû compter le nombre de fois où « une ombre assez sombre pour deux » revient dans le texte…)

Si la lecture de ce dernier tome de Nevernight est un peu plus mitigée que ce à quoi je m’attendais, il n’en reste pas moins que cette saga de dark fantasy a réussi à me marquer avec son univers, ses systèmes de magie et ses personnages profonds et complexes qui viennent contrebalancer les défauts liés au rythme, à la narration ou à un final convenu. Je n’oublie pas le coup de cœur que j’ai eu pour le tome 2 et je salue la créativité de l’auteur qui aura su me transporter dans son histoire captivante, aux côtés de Mia et Gentilhomme.


Ma note : 


«- Parce que la meilleure façon d'apprendre à gagner, c’est de perdre [...] Les belles guerrières ne se battent pas pour rien. On ne peut pas savoir à quel point c'est délicieux de respirer avant d'avoir eu des côtes cassées. On ne peut pas apprécier le bonheur tant que personne ne nous a fait pleurer. Et ça ne sert à rien de te reprocher les coups de pied que la vie te donne. rappelle-toi juste à quel point ça fait mal - et à quel point tu ne veux plus jamais ressentir  une chose pareille. Et ça t'aidera à faire le nécessaire pour l'emporter la prochaine fois.»



Titre : Nevernight, tome 3 : L'aube obscure
Auteur : Jay Kristoff
Editeur : De Saxus
Publication : juin 2022
Prix : 20,90€
Nombre de pages : 910
ISBN : 9782378761615

Commentaires