D'or et d'oreillers - Flore Vesco #plib2022

 

«Ma douce, le conte du petit pois sous le matelas, c’est une soupe qu’on fait avaler aux fillettes innocentes. L’histoire réelle, celle de ce lord et des prétendantes qui couchaient chez lui, elle n’est pas pour les enfants. Il est des vérités sur l’amour, sur les nuits des jeunes filles, et ce qu’elles font en leur lit, qu’on apprend en grandissant. Ce sont ces secrets que je m’en vais vous conter.»


Le résumé : 

C’est un lit vertigineux, sur lequel on a empilé une dizaine de matelas. Il trône au centre de la chambre qui accueille les prétendantes de Lord Handerson. Le riche héritier a conçu un test pour choisir au mieux sa  future épouse. Chaque candidate est invitée à passer une nuit à Blenkinsop Castle, seule, dans ce lit d’une hauteur invraisemblable. Pour l’heure, les prétendantes, toutes filles de bonne famille, ont été renvoyées chez elles au petit matin, sans aucune explication. Mais voici que Lord Handerson propose à Sadima de passer l’épreuve. Robuste et vaillante, simple femme de chambre, Sadima n’a pourtant rien d’une princesse au petit pois ! Et c’est tant mieux, car nous ne sommes pas dans un conte de fées mais dans une histoire d’amour et de sorcellerie où l’on apprend ce que les jeunes filles font en secret, la nuit, dans leur lit…

 

«"Drôle de lord, drôle de lord, drôle de lord", pensa-t-elle encore. À tant la répéter, elle réalisa que cette pensée était un palindrome : la formule se lisait dans les deux sens. Est-ce qu'elle était d'autant plus vraie » 

 

Ma chronique : 

  Dans D’or et d’oreillers, Flore Vesco reprend les codes du conte et les remanie à sa façon avec inventivité. Le prologue donne tout de suite le ton en évoquant l’absurdité et l’invraisemblance de l’histoire de la Princesse au petit pois. Ce roman est en effet une réécriture de ce conte populaire de notre enfance mais on retrouve également disséminées des références à d’autres contes tels que la Belle et le Bête, Cendrillon ou encore Alice au Pays des merveilles. Ce n’est pas du tout le genre de livre que je serais allée lire à la base mais les avis des jurés du PLIB étant très bons, je me suis laissée tenter. J’ai tout de suite été très intriguée par l’histoire, je voulais savoir où l’autrice allait nous mener et comment elle allait réussir à réinventer et développer l’histoire de la Princesse au petit pois.

La plume, charmante et délicate, s’accompagne d’un vocabulaire soutenu. On ressent un vrai travail dans l’écriture qui est toute en finesse, en musicalité et en poésie, proche du lyrisme par moments.  Flore Vesco joue sans cesse avec les mots : les paroles des personnages eux-mêmes sont plein de non-dits et d’énigmes. De nombreuses touches d’humour et de cynisme, plus ou moins subtiles, viennent également ponctuer le texte. Si certains passages m’ont paru un peu longuets du fait qu’il y a très peu de personnages, l’écriture quant à elle est toujours rythmée.

Mais au-delà de cet écrin de douceur et de beauté, D’or et d’oreillers reprend les codes du conte populaire sans en oublier l’ambiance sombre et glauque en arrière-plan. Privée de repère, notre héroïne Sadima se retrouve seule, livrée à elle-même dans un lieu inquiétant et immense. De plus, Lord Handerson est un jeune homme difficile à cerner, très joueur, aux motivations discutables. Le château, véritable entité magique, devient personnage et interagit avec Sadima. Il devient peu à peu source de mystère, d’incompréhension et de peur. Tous ces éléments apportent une dose bienvenue de fantastique et de d’étrangeté au récit.

Sadima est une héroïne attachante par bien des aspects : indépendante, courageuse, aventurière et curieuse, elle fait preuve de beaucoup de sarcasme et ne se laisse pas dicter sa conduite. Mais elle est tout de même impressionnable et sait rester réfléchie et sur ses gardes lorsqu’il le faut. La plus grande force de Sadima, c’est qu’elle prend son destin en main. Par ailleurs, elle permet à l’autrice de porter un message féministe. Car ce roman aborde la place de la femme dans la société patriarcale du XIXe siècle où les convenances de l’époque dictent les moindres dires, faits et gestes. Elle dénonce le rapport entre l’homme et la femme, notamment la nécessité d’une femme de bonne famille de faire attention à son image et de se marier rapidement pour faire la fierté de sa famille, mais aussi la différence de traitement entre les riches et les pauvres. Ici, lord Handerson donne sa chance aux démunis et Sadima devient porte-parole de la cause féminine.

D’or et d’oreillers fut une très belle découverte, à la fois surprenante et captivante ! Flore Vesco se réapproprie à merveille un conte connu de tous en y ajoutant de la magie, du mystère et de la sensualité. L’ensemble est mis en valeur par une magnifique écriture et une héroïne porteuse de valeurs féministes.

 

«Il faut faire attention à ce que l'on souhaite. On désire parfois sans penser aux conséquences. Et quand l'objet qu'on appelle de ses vœux surgit brusquement, nous voilà pris au dépourvu.»

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Ce roman fait partie des 5 finalistes pour le PLIB 2022.

 

Titre : D'or et d'oreillers
Autrice : Flore Vesco
Éditeur : L'école des loisirs
Publication : mars 2021
Prix : 15€
Nombre de pages : 234
#ISBN9782211310239

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